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Studio - réalisateur : le difficile mariage de deux visions du super-héros

Les 4 Fantastiques

© DR

Souvent catalogué d'univers impitoyable pour ses acteurs, Hollywood n'en est pas moins un monde de requins pour ses réalisateurs. Il semble en effet de plus en plus ardu pour les jeunes cinéastes de se faire une place au soleil à l'heure où les gros studios dominent de loin la production cinématographique américaine. Et ceux qui parviennent malgré tout à s'imposer finissent souvent happés par la fameuse machine hollywoodienne, contraints de se soumettre à la bonne volonté d'une major, ou de partir. Un difficile mariage entre deux visions de cinéma qui semble particulièrement vrai dans l'univers des super-héros, où il n'est pas rare d'assister au déchirement d'un réalisateur avec sa production, au risque de voir le film lui-même en subir les conséquences. Une question se pose alors : auteurs et industrie ne peuvent-ils réellement pas s'entendre ?

Des divergences d'objectifs

Au-delà des spécificités propres à chaque exemple que l'on pourra citer, le problème majeur est sans doute celui-là : cinéastes et studios n'ont, bien souvent, pas le même objectif. Certes, chacun espère produire l'un des futurs cartons du box-office, mais pas à la même échelle. Le réalisateur lui, arrive sur un projet avec ses idées et son style, désireux d'en faire le meilleur film possible. C'est d'ailleurs souvent pour sa "patte" qu'il a été choisi. On peut ainsi citer l'exemple d'un Josh Trank, propulsé sur le reboot des 4 Fantastiques après le succès surprise de Chronicle, petit film SF à la tonalité sombre et ultra-réaliste qui avait emballé la critique. Idem pour Edgar Wright, engagé sur Ant-Man pour offrir au long-métrage l'humour décalé qui le caractérise depuis sa fameuse "Trilogie Cornetto".

Le studio en revanche, ne semble penser qu'en termes d'intérêt financier. Normal me direz-vous, lorsque l'on sait que le budget moyen d'un blockbuster tourne autour des 150 millions de dollars. De ce point de vue, l'enjeu est donc tout autre : assurer au film une rentabilité maximale, tout en essayant de ne pas trop dépasser le budget initial. On comprend mieux dès lors pourquoi Sony considère son Amazing Spider-Man 2 comme un "flop" malgré ses 708 millions de dollars de recette mondiale. Le film de Marc Webb n'a en effet rapporté "que" 202 millions sur le territoire américain, soit à peine de quoi rembourser son budget de départ. Un résultat bien décevant pour une telle production en somme. Rien d'étonnant dans ces circonstances à ce que les studios ambitionnent avant tout d'assurer leurs arrières, en gardant le contrôle total du projet et en prenant le moins de risques possible.

Un conflit à double tranchant

Le problème qui en résulte est donc toujours le même : le studio et le réalisateur se livrent une véritable bataille d'intérêts durant des mois, chacun tentant d'imposer sa vision des choses. Ces fameux "différends créatifs" sont d'ailleurs bien souvent évoqués pour justifier du départ d'un metteur en scène. Ce fût évidemment le cas pour Edgar Wright, qui a claqué la porte d'Ant-Man à quelques semaines seulement des premières prises de vues, mais aussi, plus récemment de Rupert Wyatt, qui, se sentant mal à l'aise de ne pouvoir faire le film à son goût, a finalement préféré céder les manettes de Gambit à un autre réalisateur. Mais il arrive également que le cinéaste tienne bon jusqu'au bout, quitte à ce que le résultat final soit catastrophique. Inutile de rappeler combien la production des 4 Fantastiques a été chaotique, pour un film largement lynché à sa sortie par la critique et boudé du public. À moindre mesure, Joss Whedon a lui aussi pas mal déchanté pour Avengers : L'ère d'Ultron, comme il l'a confié après la sortie du long-métrage en salles, et ce, malgré le carton plein du premier film en 2012.

Une question de confiance

Finalement, l'harmonie entre studio et réalisateur ne dépend-t-elle pas, comme dans toute relation, que d'une question de confiance et de respect entre les deux parties ? Car même s'ils se font plus rares, les contre-exemples existent bel et bien. Citons ainsi Captain America : Le Soldat de l'hiver des frères Russo, sur lequel Disney/Marvel semble avoir laissé carte blanche au duo de cinéastes. Résultat : 714 millions de dollars de recettes, soit près du double de son prédécesseur, et un film encensé par la presse. Et la démonstration est sans doute encore plus flagrante avec Les Gardiens de la Galaxie. Laissé maître de son projet, James Gunn a réussi, en insufflant un vent de fun sur le MCU, à ériger un groupe de super-héros méconnu du grand public en icones de toute une génération, récoltant au passage plus de 774 millions de dollars et en faisant de son blockbuster le troisième plus gros succès de 2014. Et si la clé d'un film réussi et d'un mariage heureux entre studio et réalisateur était là ?

publié le 4 octobre, Pauline Julien

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