Actus cinéma

Gagner un Oscar fait-il une carrière ?

Le Graal du cinéma occidental est-il si précieux ?

© Hahn Lione, Abaca

Chaque année, une poignée de personnalités du monde du cinéma repart avec le sourire de la cérémonie des Oscars. Le Graal du septième art occidental n'est en effet pas à la portée de tout le monde et représente pour beaucoup la cerise sur le gâteau d'une carrière. Mais est-ce vraiment si important ? En ce week-end de cérémonies des récompenses, petit point sur les conséquences d'une victoire aux Oscars.

Une chance de passer dans la postérité

Entre pronostics et campagnes, les Oscars ont, bien au-delà de la saison des récompenses, une aura particulière. Toute l'année, presse et public établissent au préalable une liste mentale des meilleurs films et des meilleures performances vus dans les salles obscures. L'enjeu est donc important d'un point de vue extérieur mais l'est-il vraiment pour le ou la principal(e) intéressé(e) ? Forcément, pour la plupart des acteurs et actrices, ce genre de prix représente une véritable consécration, en même temps que de s'assurer de rester dans la postérité. Et pour y accéder, ils s'en donnent les moyens non seulement en triant attentivement les propositions de rôles, mais aussi en jouant la carte diplomatique. Nous en voulons pour preuve la campagne qui précède l'annonce des nominations et surtout celle qui suit. Si la critique pèse évidemment dans la décision finale, les nommés doivent eux aussi se livrer à une véritable opération séduction en coulisses, caractérisée par des déjeuners, des projections privées, et des rencontres avec des personnalités importantes. Et se livrer à ce petit exercice peut être si épuisant qu'il témoigne d'une vraie volonté de repartir avec l'Oscar.

Tout ceci, non pas pour le simple plaisir de poser une statuette dorée sur sa cheminée et voir son palmarès s'agrandir, mais parce que gagner un Oscar est aussi synonyme d'opportunités. En effet, quand Jennifer Lawrence s'est imposée en 2013, elle a vu les offres s'empiler inexorablement sur son bureau, comme beaucoup d'autres avant et après elle. L'accès aux studios est beaucoup plus simple, travailler avec les réalisateurs que l'on souhaite devient presque un jeu d'enfant et on peut même commencer à imaginer imposer ses choix, s'émanciper un peu plus du statut de jeune débutant hollywoodien. Bref, remporter un prix aussi important qu'un Oscar change une carrière du tout au tout.

Un virage difficile à négocier

Mais cela ne signifie pas d'être à l'abri d'une déroute. Loin de là même ! La fameuse traversée du désert que redoute tout acteur passionné n'est pas réservé qu'aux malheureux et oubliés des Oscars. En 2002, quand Adrien Brody remportait la statuette pour Le Pianiste, tout le monde pensait évidemment que l'acteur enchaînerait les succès, d'autant plus qu'avec ses allures virtuoses et son statut de plus jeune acteur à remporter un Oscar (29 ans à l'époque), rien ne pouvait contrecarrer cet avenir tout tracé. Seulement, si l'on se penche sur sa carrière quatorze ans plus tard, force est de constater que hormis King Kong en 2005 et ses multiples collaborations avec Wes Anderson, l'acteur n'a pas vraiment marqué les esprits avec d'autres rôles forts. On pense également à Tim Robbins qui, après son Oscar pour Mystic River en 2004 n'a que très peu tourné et a même connu des échecs comme Green Lantern en 2011. Mais aussi Jessica Lange qui, après son prix en 1995, a disparu des radars dans les années 2000 pour mieux revenir grâce à la télévision, notamment avec la série American Horror Story.

Un désintérêt notable

Les raisons personnelles ou la démotivation, mais aussi les mauvais choix de carrière sont également à prendre en compte pour expliquer l'après-Oscars. Reese Witherspoon n'a, par exemple, pas profité du tremplin que lui a offert sa consécration en 2006 pour sa performance dans Walk The Line, car l'actrice a choisi de se tourner vers la production. Néanmoins, il existe aussi une partie de la famille du cinéma qui ne considère pas les Oscars comme quelque chose d'important pour leur carrière. On pense évidemment à Katharine Hepburn qui, bien qu'elle ait remporté quatre fois la statuette, n'a jamais pris la peine de se déplacer pour les récupérer. Woody Allen fait aussi partie des réalisateurs ayant très peu d'attrait pour l'or. En effet, le cinéaste a toujours boycotté la cérémonie, préférant laisser de côté la compétition. Il a d'ailleurs toujours refusé de faire partie de la Sélection officielle du Festival de Cannes. D'autres, au contraire, comprennent la portée d'un tel événement et l'utilisent pour faire passer des messages. À l'instar de Marlon Brando, qui a refusé d'aller chercher son Oscar pour protester contre le traitement des Amérindiens, ou encore de Spike Lee et les époux Jada et Will Smith qui font, en 2016, l'impasse sur la cérémonie pour marquer leur mécontentement face au manque de diversité.

Ce dimanche, tous les regards seront tournés vers Leonardo DiCaprio. Nommé cinq fois, l'acteur aurait l'opportunité de faire plaisir à ses nombreux fans, mais glanerait aussi le seul prix important qui manque à son impressionnant palmarès. Mais cela changera-t-il quelque chose à une carrière déjà couronnée de succès et à la filmographie soignée ? Rien n'est moins sûr.

publié le 28 février, Hawoly Ba

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