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Biopic : quand l'entourage se met sur le chemin des studios

Steve Jobs

© François Duhamel, DR

On connaît les tensions qui opposent souvent studios et réalisateurs ou acteurs et cinéastes, mais on évoque rarement le cas des conflits impliquant toute une fratrie contre l'industrie du cinéma. Cela est plus généralement le cas lorsque le septième art s'aventure sur les terres du biopic, un numéro d'équilibriste dans lequel il faut non seulement convaincre, un public de fans, ses pairs, mais surtout la famille de la personne à laquelle le film est consacré. Quand deux visions ou avis s'entrechoquent, cela peut être le théâtre de véritables mélodrames. Un point sur la question.

Le cas Steve Jobs

À l'été 2013, Steve Jobs a fait l'objet d'un premier biopic dans lequel Ashton Kutcher se glissait dans la peau de l'inventeur, devant la caméra de Joshua Michael Stern. Un film réalisé à partir de la biographie autorisée écrite par Walter Isaacson et qui n'a pas soulevé de problèmes particuliers. Mais deux ans plus tard, c'est une autre histoire. Dans son désir personnel de rendre hommage au fondateur d'Apple, Aaron Sorkin peaufine le scénario de Steve Jobs (en salles le 3 février prochain en France), un long-métrage dont les manettes sont confiées à Danny Boyle après la défection de David Fincher. Seulement, ce nouvel effort, qui part sans doute d'un bon sentiment, n'est pas bien pris par l'entourage de Steve Jobs. Selon une source du Hollywood Reporter, sa veuve, Laurene Powell Jobs, aurait téléphoné à Christian Bale et à Leonardo DiCaprio, tous deux à tour de rôle rattachés au rôle de l'inventeur, pour les supplier de ne pas faire le film. Apparemment, cela a fonctionné puisque les deux acteurs ont chacun pris la décision de décliner l'offre de Sony, producteur à l'époque. D'ailleurs, même le studio a passé la main à Universal, empêtré dans l'affaire du piratage qui l'a secoué en fin d'année dernière. Finalement, le film est allé jusqu'au bout de sa production avec Michael Fassbender dans la peau de Jobs et les premières critiques sont unanimes quant à la qualité du résultat final. Un exemple qui montre bien que, dans certains cas très précis, même la famille ne peut rien faire pour bloquer le projet d'un studio.

L'opposition en marche

Mais dans quel cas, justement, l'entourage d'une personnalité peut-il légalement s'opposer à un biopic ? Aucun à proprement parler, mais les légataires détiennent le pouvoir de compromettre le projet de manière significative. À titre d'exemple, la famille de Mike Brant a fait savoir en mai dernier qu'elle s'opposait à l'idée du long-métrage sur la vie du chanteur prévu pour l'année 2016 avec Méla­nie Laurent et José Garcia. Son argument : si le film se fait, elle bloque­ra tout simplement les droits sur la musique. Un sacré coup de frein qui devrait compliquer le déroulement de l'intrigue mais aussi la possibilité de bande originale. Autre mouvement beaucoup plus sûr : s'occuper soi-même du film. C'est la solution qu'a choisie la famille de Bruce Lee qui a annoncé en mars dernier la mise en chantier d'un long-métrage pour lequel son entourage serait impliqué dans toutes les étapes de fabrication du film. Sa fille, Shannon Lee, en sera d'ailleurs la productrice.

L'oeil du public : un élément déterminant

Au final, le public, comptant généralement la plupart des fans de la personnalité concernée, est peut-être le meilleur thermomètre d'un biopic. Si les critiques de Steve Jobs sont globalement dithyrambiques, ce n'est pas le cas de nombreux autres avant lui. La chaîne américaine Lifetime se fait depuis de nombreuses années la spécialiste des films biographiques non autorisés. Récemment, ce sont les chanteuses Aaliyah et Whitney Houston qui ont eu cet honneur. La famille de la chanteuse décédée en 2001 s'est battue pendant treize ans pour ne pas voir le moindre biopic à l'écran. Mais en 2014, Lifetime a finalement passé outre ses protestations et recruté l'actrice Alexandra Shipp (X-Men : Apocalypse) pour se glisser dans la peau de l'interprète de Try Again dans Aaliyah: The Princess of R&B. Résultat des courses : des critiques désastreuses et un téléfilm moqué par les internautes, plutôt rangés du côté de la famille. L'année suivante, la mère de Whitney Houston, Cissy Houston, a supplié la chaîne et plus particulièrement Angela Bassett qui officiait derrière la caméra, de ne pas faire de film sur la chanteuse. Finalement, l'oeuvre sobrement intitulée Whitney, reçoit un accueil mi-figue, mi-raisin, noté 5,3 sur 10 par les utilisateurs d'IMDB.

Si l'on regarde le grand tableau, on ne peut que constater que quand il s'agit de mettre en scène et produire un film à partir de la vie d'une personnalité publique, il n'y a à peu près rien qui puisse empêcher sa création. Dès lors que l'idée est dans la tête d'un gros studio ou d'un gros producteur, les rouages d'Hollywood broient toute volonté d'opposition. Film autorisé ou pas, au final, c'est la manière dont le public perçoit le sujet qui donne au long-métrage la possibilité de rester dans l'histoire du cinéma ou de complètement tomber aux oubliettes.

publié le 1 novembre, Hawoly Ba

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