Actus cinéma

Visas d'exploitation : vers une refonte du système pour éviter la censure ?

La vie d'Adèle

© Wild Bunch Distribution, DR

Souvenez-vous, en décembre dernier, La Vie d'Adèle perdait son visa d'exploitation à la suite d'une décision de Justice. Désormais privé de toute diffusion, le film d'Abdellatif Kechiche disposait alors de deux mois pour être réévalué et ainsi acquérir une nouvelle classification. Une décision qui n'a pas manqué de faire polémique et qui pose question quant aux conditions actuelles de délivrance d'un visa d'exploitation.

Le visa d'exploitation : une classification simple et efficace

Pour pouvoir être diffusé en salles, toute oeuvre cinématographique se doit de recevoir un visa d'exploitation, indiquant pour quelle catégorie de spectateurs elle est destinée. On distingue ainsi cinq types de visas, pouvant chacun être assortis d'un avertissement quant au contenu du film : tous publics, interdiction aux moins de 12 ans, interdiction aux moins de 16 ans, interdiction aux moins de 18 ans, ou interdiction totale de l'oeuvre. La production peut, enfin, être classée parmi les "films pornographiques ou d'incitation à la violence". "Le visa est délivré par le ministre de la culture, après avis de la commission de la classification des oeuvres cinématographiques, qui dépend du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC)" précise le site dédié au service public. Sur le papier, rien de compliqué donc. Mais depuis quelques années pourtant, on assiste à la remise en cause de certaines décisions du ministère de la culture. Censure ou réévaluation légitime ?

Une Justice sous forme de censure ?

La Vie d'Adèle n'est pas le premier long-métrage à se retrouver dépourvu de visa après une décision de Justice, devenant soudain une sorte de hors-la-loi des salles obscures. Love de Gaspar Noé, Saw 3D de Kevin Greutet, Nymphomaniac de Lars Von Trier et Baise-moi de Virginie Despentes ont en effet connu le même sort avant lui. Tous ont subi les foudres de l'association Promouvoir, proche des milieux catholiques traditionalistes, qui a porté la question devant le juge. Si cette vague d'arrêts rendus en défaveur des productions cinématographiques interroge sur une certaine forme de censure judiciaire, notons toutefois qu'elle ne représente qu'une goutte d'eau dans l'océan des films sortant chaque année en France. En réalité, le principal problème vient surtout d'une difficile appréhension du Code du cinéma et de l'image animée sur lequel se fondent à la fois le ministère de la Culture et la Justice pour rendre leurs décisions. Celui-ci stipule notamment que "tout film qui comporte des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence doit être interdit aux moins de 18 ans". Une définition des plus floues pour pouvoir, sans se tromper, en offrir une appréciation unanime.

Vers une refonte du système de classification ?

Dans un article consacré justement à cette question après le changement de classification de Love, d'abord interdit aux moins de 16 ans avant d'être restreint aux plus de 18 ans, le site Ina Global affirme à juste titre que "l'attribution de visas aux films traitant de la sexualité est aujourd'hui illisible", en s'appuyant notamment sur une différence de traitement non justifiée entre le film de Gaspar Noé et les deux parties de Nymphomaniac. "Au surplus, la décision du Tribunal administratif a pour conséquence de décrédibiliser la commission de classification tout en fragilisant la ministre de la Culture", poursuit le journaliste. Quel crédit accorder en effet à la commission de classification ou à la ministre si leur décision est ensuite remise en cause par la Justice ? Dès lors, une refonte du système semble inévitable afin de mieux préciser certains critères de classifications et éviter ce genre d'annulation à l'avenir. L'actuelle ministre de la culture Fleur Pellerin a d'ailleurs elle-même confié à Jean-François Mary, le président de la commission de classification du CNC, la charge de mettre sur pied une proposition de réforme pour ce début d'année 2016. L'objectif est simple : "améliorer et sécuriser la procédure de délivrance des visas avec le souci de bien concilier la protection de la jeunesse et un cinéma libre, audacieux, en prise avec son temps".

publié le 10 janvier, Pauline Julien

Liens commerciaux