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EXCLU - Soko : "Je suis dévouée à 100% à mon travail au risque de m'oublier"

La réalisatrice Stéphanie Di Giusto et son actrice vedette Soko prennent la pose pour la promotion de

© Pauline Julien, DR

Six ans que Stéphanie Di Giusto consacre son énergie à "La Danseuse", biopic réhabilitant le génie de l'artiste Loïe Fuller, injustement oubliée au profit d'Isadora Duncan, qui lui a tout volé. Six ans qu'elle promet à Soko, déjà nommée au César du meilleur jeune espoir féminin en 2010 pour "À l'origine", de lui offrir le rôle de sa vie. Alors que le film sort cette semaine en salle, nous avons eu la chance de les rencontrer pour un entretien croisé, entre complicité et travail acharné.

Orange : Soko, connaissiez-vous l'histoire de Loïe Fuller avant de lire le scénario de "La Danseuse" ?

Soko : Pas du tout. Je connaissais cette femme folle, Stéphanie Di Giusto, avec qui j'avais très envie de travailler. Elle m'a dit qu'elle m'écrirait le rôle de ma vie. J'ai dit oui avant de lire le scénario. (...) Et la première fois qu'elle m'a montré la vidéo faite par Edison d'une imitatrice de Loïe, j'ai été complètement subjuguée par cette danse, je trouvais ça magnifique.

Qu'est-ce qui vous a le plus motivé sur ce projet ? L'idée de réparer une injustice ?

Stéphanie Di Giusto : Oui. Quand j'ai lu la vie de cette femme, je me suis dit 'mais comment on a pu passer à côté ?' J'ai vraiment eu cette envie de réhabiliter son art. J'ai eu pour cette femme un engouement et une passion inexplicables.

Qu'est-ce qui a été déterminant pour vous dans le fait de choisir Soko pour ce rôle ?

Stéphanie Di Giusto : Soko est unique et je trouve qu'elle a une féminité hors-norme. Il y a aussi chez elle un éclat extraordinaire, et je trouve surtout, qu'elle est vraie, qu'elle ne triche pas. J'ai besoin d'avoir des caractères forts en face de moi, et je savais qu'elle irait au bout de ce rôle. Et puis ce n'est pas qu'une actrice, c'est une artiste : elle compose, elle sait ce que c'est de souffrir dans la création, donc je pense que quelque chose dialoguait entre Loïe Fuller et Soko.

Bravo d'ailleurs Soko pour avoir réussi à tout tourner sans doublure...

Soko : C'était trop important pour moi de ne pas trahir son travail et de ressentir vraiment ce que ça fait de réaliser cette danse. J'ai fait tout le travail d'apprentissage et de souffrance physique en amont, mais en plus de ça, il y a le ressenti du costume et d'être enfermée dans ces tourbillons de soie, en se disant qu'on est au milieu de la magie mais qu'on ne la voit pas. Ce sont juste des sensations, et ce n'est pas possible de tricher avec ça.

Et alors, fière de vous ?

Soko : En fait, non, je suis sortie en pleurant et j'ai demandé à Stéphanie si il y avait des effets spéciaux parce que je ne pensais pas que c'était moi qui dansait. Elle m'a dit 'mais t'es folle !'

Stéphanie Di Giusto : Mon rôle a été de beaucoup rassurer Soko qui est très fragile et à un point de détermination et de perfectionnisme maladif.

Vous disiez avoir filmé "une boxeuse plutôt qu'une danseuse"...

Stéphanie Di Giusto : Oui, on a beaucoup travaillé ça avec Soko, (...) cette idée que dans la vie, elle a du mal à trouver une légèreté et une beauté qu'elle va, évidemment, trouver sur scène. Ce que j'adorais, c'était l'idée que quand elle se battait contre ses voiles, elle se battait contre elle-même, qu'elle se cherche tout le long du film pour arriver à quelque chose à la fin.

Le personnage de Louis, incarné par Gaspard Ulliel est complètement inventé. Pourquoi cet ajout ?

Stéphanie Di Giusto : Parce que j'aimais bien l'idée de confronter la sexualité de ma Loïe Fuller à un homme. D'ailleurs, elle a été mariée à un banquier aux États-Unis. C'est aussi quelqu'un qui va l'accompagner, parce que sans Louis, elle ne peut pas traverser l'Atlantique. Et surtout, c'est un amour impossible. Ce que j'aimais beaucoup dans ce personnage, c'est qu'on ne sait pas si il va lui faire du mal ou du bien. Lui, c'est cet aristocrate déchu qui appartient à ce siècle, incapable d'en bouger, et il est face à cette femme incontrôlable qui, elle, est déjà en avant.

Soko, on sent une véritable obsession de la perfection chez votre personnage. C'est également une bourreau de travail, en quête permanente de sa liberté. Jusqu'à quel point vous êtes-vous identifiée à Loïe ?

Soko : Forcément, me retrouver à interpréter le portrait d'une femme comme Loïe, ça fait écho en moi, parce que c'est un peu la manière dont je vis ma vie. Je suis complètement dévouée à ça, au risque de justement m'oublier, d'avoir 30 ans et de ne pas avoir une vie personnelle conventionnelle avec bébé, mariage, maison. Je ne sais pas si ça peut coexister de manière saine et c'est la même chose pour Loïe, elle est à 100 % dans son travail. C'est le syndrome propre de l'artiste passionné.

Le film a été très bien reçu à Cannes, où il y a chaque année cet éternel débat sur le manque de représentation des femmes en sélection officielle. Qu'est-ce que vous en pensez ?

Stéphanie Di Giusto : Je rêve d'un monde où on ne parle plus de ça parce que pour moi, c'est une évidence que les femmes font des films aussi bien que les hommes. Hélas, on n'en est pas là effectivement. (...) En tout cas, quel bonheur que Loïe Fuller ait monté ces marches. Dans mon obsession de réhabiliter son art, c'était ça le plus important.

Quelles sont les figures de femmes qui vous inspirent ?

Stéphanie Di Giusto : Jane Campion a été mon grand choc, je n'en ai pas dormi. C'est une femme qui arrive à filmer le désir d'une manière tellement intense. C'est mon idole.

Soko : En fait, mes films préférés, ce ne sont que des films de femmes fortes. D'abord, "The Red Shoes" ("Les Chaussons rouges" en VF) de Michael Powell, sur une artiste qui se demande si c'est possible de vraiment faire son art à 100 % et de tomber amoureuse. L'autre, c'est "Camille Claudel", et encore une fois, c'est le portrait d'une artiste qui souffre.

publié le 27 septembre, Pauline Julien

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