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Christian Carion : "En mai fais ce qu'il te plaît n'est pas un cours d'Histoire"

Christian Carion

© Jean-Claude Lother, DR

Ce mercredi 4 novembre, le film historique En mai fais ce qu'il te plaît sort dans les salles. Un récit émouvant et une plongée dans la Seconde Guerre mondiale où un village abandonne tout derrière lui pour fuir l'invasion allemande alors qu'un père cherche à retrouver son fils sur les routes de France. À l'occasion de la sortie du film, nous avons eu la chance de nous entretenir avec le réalisateur Christian Carion, qui nous parle de ses inspirations et de ce sujet fort.

On voit souvent des films sur la Seconde Guerre mondiale en France mais plus rarement sur les déplacements de population, pourquoi avoir choisi cet angle ?Mes parents ont vécu l'exode. Cela fait partie des grandes histoires que l'on se raconte avec cette grande question : comment du jour au lendemain on s'en va ? J'ai été élevé là-dedans, et je me suis donc dis que ce serait un bon sujet de film. J'ai attendu d'avoir un peu de bouteille pour le faire.

Le parallèle avec la crise migratoire que l'on connaît aujourd'hui est-il voulu ou aviez-vous réfléchi à ce projet bien avant ?Je n'y ai pas du tout réfléchi pendant l'écriture car elle a commencé il y a trois ans, donc ce n'était pas ce que l'on vit aujourd'hui. Il se passait déjà des choses à Calais ou en Méditerranée mais là malheureusement, le flot est passé à un autre niveau. Et je ne peux que constater à quel point l'actualité me rattrape. C'est triste de se dire que finalement l'expérience de 1940 ne change rien puisque les choses recommencent. Quand je vois ces images, je pense surtout à mes parents.

Alice Isaaz nous a confié que le film serait montré dans les collèges. Cela représente-t-il un aboutissement pour vous ?Je voulais ce partenariat avec l'école car je constate que l'histoire de mai 1940 n'est pas traitée. Et j'en veux d'autant plus car si cela permet aux gens de considérer différemment l'exode que l'on connaît aujourd'hui, c'est une bonne chose.

Pensez-vous que le film puisse changer le regard de la population sur ce sujet ?Est-ce que les films changent vraiment la face du monde ? Probablement pas, mais cela ne m'empêche pas d'y croire.

C'est un film assez authentique, vous n'avez rien mis de côté. Citons notamment les exemples du sacrifice des tirailleurs sénégalais ou du réalisateur de propagande nazie. Comment définiriez-vous ce film ? C'est un manifeste ou un portrait de la France de 1940 ?C'est plus une photographie de l'époque : les gens sur les routes, l'armée nazie et sa volonté de propagande, les pauvres tirailleurs qui sont les barrières de l'armée française, toute l'horreur du racisme tel qu'il était à l'époque. Concernant le réalisateur nazi, les gens ne savent pas forcément qu'on a poussé le bouchon à ce point. Je n'aime pas donner de message. Je préfère suggérer les choses, après libre au spectateur de ne rien en faire ou de se poser des questions.

Sur quoi vous êtes-vous basé pour raconter cette histoire ? Sur des livres, des chansons, des poèmes ?Il y a un gros travail de recherche historique. En rentrant dans les détails de ce qu'il s'est passé sur le front, je suis tombé sur cette histoire de propagande nazie à outrance. Ouvrir le film avec un Allemand, ce n'était pas l'idée de départ, mais je voulais parler de ces gens en Allemagne qui eux-mêmes n'étaient pas nazis. Je rappelle que les premières victimes du régime étaient des Allemands, notamment envoyés dans les camps de concentration. Mais ce n'est pas le sujet du film, ça ouvre un tiroir dans la tête des gens. Il y a des éléments qui sont posés comme ça et si vous les voyez, vous vous questionnez ou vous allez découvrir des choses mais ce film n'est pas un cours d'Histoire.

Comment avez-vous réussi à convaincre Ennio Morricone de composer la musique de votre film ?J'ai dit que je voulais faire un western. J'ai écrit le film en écoutant Morricone et naïvement, on a voulu allé jusqu'au bout de l'idée. Donc on a frappé à sa porte et il s'est trouvé qu'il était disponible à l'écoute. Il a vraiment aimé le film donc il a accepté de le faire.

Quels sont vos projets pour la suite ?J'ai des choses auxquelles je pense mais je ne suis pas libéré d'En mai fais ce qu'il te plaît. C'est un gros moment pour moi donc j'ai besoin de faire le deuil, de le lâcher pour être disponible à autre chose. Je ne sais pas ce qui suivra mais je peux dire que ce ne sera pas un film historique.

publié le 4 novembre, Hawoly Ba

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